A partir de Saint Aignan et jusqu'au dangereux barrage à clapets de Rochepinard (Tours), nous rencontrerons tous les 3 à 5 km un barrage, ou reste de barrage. Ils sont constitués sur la moitié gauche d'une partie fixe (déversoir vertical d'une hauteur de 1 à 2 m selon les barrages), infranchissable, et sur la partie droite d'une partie mobile infranchissable quand relevée. A Nitray (37), ce schéma est inversé du fait d'un moulin rive droite.
Les 2 premiers, Saint Aignan et Bray ont vu leurs parties mobiles (à aiguilles) remplacées en 2007 par des vannes déversantes (voir la page <<Après les travaux>>). Puis les 3 suivants: Talufiau, Maselles et Vineuil sont hors service depuis cette époque et ne sont plus relevés.
La règlementation interdit toute navigation touristique à moins de 50 m des barrages: danger.
Si les barrages sont abaissés (leur partie mobile), à part celui de Saint Aignan qui est un cas particulier, leur franchissement, à reconnaitre par la rive droite donc, peut être envisagé pour tout pratiquant expérimenté. Par bon niveau, les vagues en aval sont même très ludiques.
Par contre le déversoir en moitié gauche peut être dangereux sur certains barrages: -Par faible débit, la réception sur la dalle aval manque d'eau et le choc serait rude. Mais cette situation est dissuasive et nous n'avons jamais eu connaissance d'accident. -Par très gros niveau, l'ouvrage est plus ou moins noyé. Mais nous arrivons vite à une situation de crue dangereuse et aussi dissuasive. -Quand ils laissent passer un débit moyennement important, certains déversoirs peuvent être très dangereux du fait du phénomène de <<rappel>> se produisant à leur pied.
Un rappel est d'abord dangereux parce que son effet n'est pas forcement décelable par les personnes non averties.
Ne présentant quelquefois que peut de relief, donc peu dissuasifs, les rappels sont régulièrement la cause de décès par noyade de promeneurs occasionnels qui ne se méfient pas. Il y a quelques années, le déversoir du barrage de Bléré (37) a tué 2 personnes. En 2002, le moteur d'une barque tombe en panne en amont du déversoir de Chissay: un mort. Le 7 juin 2010 c'est le déversoir de Chisseau qui tue 2 navigateurs. Le scénario est tristement classique: la belle saison amène des descentes touristique sur un niveau d'eau relativement important suite aux pluies. Et aux déversoir des barrages, le rappel devient assez puissant pour retenir les imprudents.
Véritable <<machine à laver>>, même en <<ayant pied>>, il est impossible de garder contact avec le fond du fait de la lame d'eau dans les jambes.
Sur la longueur du rappel, l'eau de surface revient vers la chute. C'est le piège.
Les corps flottants sont gardés prisonniers et subissent l'effet de rotation de la zone de contact entre la chute et l'eau aval.
Qu'on y entre par l'amont ou par l'aval, l'eau de surface rencontrant la chute va mettre l'embarcation en travers. Aussitôt la chute va avoir un puissant effet renversant auquel ne peuvent résister que des bateaux larges (zodiacs, péniches...), ceci sur les petits déversoirs du Cher.
Une seule échappatoire: par le fond, utiliser... si possible... la lame d'eau jusqu'à dépasser le point de retour. A condition de ne pas s'affoler, d'être encore prêt à l'apnée...et d'enlever son gilet de sauvetage!
Ailleurs, des barrages montrent des rappels beaucoup plus puissants: Avec une hauteur et un débit plus importants, la longueur d'un rappel peut dépasser 10 m, et la hauteur du rappel (ici différence de hauteur d'eau entre les 2 mains de notre personnage debout à gauche) dépasser 1 m: un cauchemar!
Cette vieille photo et l'extrait de commentaire issus de la Nouvelle République montrent l'énorme rappel causé par le barrage construit sur la Loire pour la centrale de St Laurent les Eaux. Heureusement pour nos occupants, le large et lourd radeau n'a pas basculé sous l'action de la chute contre laquelle il était bloqué...Ces navigateurs pensaient descendre un fleuve calme sur un lit de graviers. C'était compter sans l'inconscience criminelle des concepteurs de ce barrage.
Les rappels ne sont pas seulement provoqués par des chutes verticales. Des pentes peu prononcées peuvent en provoquer. Surtout quand le fond du bassin de réception forme une cuvette, situation provoquée par l'affouillement au pied de la chute. Ce qui n'est pas le cas ici car les déversoirs du Cher sont équipés d'une dalle de réception en béton. Mécaniquement, comme l'illustrent les croquis au dessus, c'est la relation entre la hauteur d'eau entrante, et la hauteur d'eau à la réception qui génère le rappel. S'il n'y avait pas d'eau au dessus de celle arrivant en bleu foncé: pas d'eau au dessus des chevilles de notre personnage, il n'y aurait pas de rappel. Généralement donc, plus le débit est important, plus le risque de rencontrer des rappels est élevé. Les hauteurs d'eau sont plus grandes et, au pied des seuils, la pente insuffisante pour évacuer le volume.
Pour identifier un rappel:
Si en aval d'une chute même faible, l'eau, généralement moussue, semble revenir même lentement vers le pied de la chute: méfiance!
Un utile complément d'information sur la page suivante, sur le site de la F.F.C.K:
Dans les années 1840, prolonger le canal du Berry en direction de Tours et de la Loire en installant des barrages et des écluses sur le Cher à partir de Saint Aignan a sans doute été un choix économique. Etait-ce pour autant une bonne idée? L'histoire du Cher canalisé montre une relation difficile entre ses utilisateurs qui demandent une navigabilité maximum et les gestionnaires des barrages qui subissent les caprices du Cher. L'utilisation touristique du Cher va de nouveau exposer les vulnérables barrages à aiguilles aux montées des eaux.
Nous voyons ici, lors d'un <<à sec>> créé par la fermeture rapide du barrage amont, à gauche les fermes relevées et à droite des personnes au travail, les fermes repliées et couchées.
La fin de l'utilisation du Cher comme voie de transport de marchandises n'a pas signifié la fin des barrages. Pour diverses raisons, notamment esthétiques comme pour Chenonceau et Saint Aignan, les communes souhaitent conserver une hauteur d'eau l'été et se regroupent en syndicats intercommunaux. Les barrages relevés en fin de printemps ont peu d'impact sur la migration des poissons, et l'activité canoë-kayak pour laquelle les barrages relevés sont des obstacles est encore balbutiante. Mais l'entretien des 16 barrages coûte plus d'un million de francs (152 500 €) par an et les syndicats cherchent un financement. La remise en état des écluses dans les années 1990 va permettre l'installation du tourisme fluvial. Mais celui-ci fera fortement pression pour que les barrages soient relevés à la première baisse des eaux de printemps. En dépit de la volonté humaine, le Cher canalisé est une rivière qui se manifeste irrégulièrement. Les barrages à aiguilles ont résisté plus d'un siècle à ses caprices, mais ils sont exigeants en personnel, en entretien, en anticipation et lors d'une montée des eaux, en réactivité 24h sur 24.
Ces contraintes n'étant plus tenables du fait du risque élevé d'accident, la nuit notamment. Les barrages relevés en début de printemps seront mis à mal par les assauts des crues et les coups de boutoir des arbres charriés. Il était donc tentant de les remplacer par des barrages mécanisés, se régulant facilement. Le début des travaux va donner à voir la première tentative de mise en place d'une digue en sable sensée bloquer le Cher en amont du barrage situé sous pont de Saint Aignan. Le ridicule de cet échec fut suivi du démarrage quasi simultané de chantiers sur 5 barrages, alors qu'aucun barrage de cette conception n'avait été réalisé dans ces proportions. Les travaux suivirent un calendrier étonnant, mettant le matériel à la merci des crues. Les blocs de béton mis en place pour réaliser les passes à poissons se sont disloqués dès la première crue. Les passes à canoës réalisées sans respecter les recommandations préalables de la F.F.C.K. au Talufiau, Maselles et Vineuil se sont révélées, dès les premiers essais, être des... limes à canoës. Les fondations refaites pour le barrage du Talufiau ont anéanti la vague tant appréciée par notre discipline. Manifestement, sa pérennité n'était pas l'ambition du maître d'ouvrage.
Et finalement, si le tourisme fluvial génère un chiffre d'affaire important sur des canaux existants, le bien fondé de l'investissement public dans la reconstruction complète du Cher canalisé s'est révélée insoutenable au fur et à mesure des complications et de l'augmentation des coûts. Le budget de réfection des 8 barrages du Loir et Cher avait été estimé initialement à 8 millions d'euros. 12 millions d'euros auraient été dépensés au moment de l'abandon des travaux.
Malgré leur coût d'entretien et l'échec des travaux, le lobby de la navigation motorisée demande la reprise des travaux. Mais l'évolution des connaissances sur l'écologie des rivières amène progressivement les instances supérieures de l'Etat à remettre en cause l'opportunité des barrages. Une forme de tourisme sans bruit de moteur et sans pollution ira aussi vers un meilleur respect du milieu. En attendant, sur nos rives du Cher, des millions d'euros peuvent être dépensés par la collectivité pour que, l'été, notre rivière soit dévolue aux péniches touristiques.